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J'adoooore le français !

  • Feuillets d'Hypnos : Analyse du texte de René Char

    "J'ai aimé farouchement mes semblables cette journée-là "
    FEUILLETS D'HYPNOS
     
    Commentaire du FEUILLET 128.
     
    Texte tiré des Feuillets d'Hypnos, ouvrage paru la première fois en 1946, puis en 1948 dans un ouvrage regroupant d'autres textes poétiques Fureur et Mystère.
    Feuillets d'Hypnos, d'un aspect spirituel fort, est le témoignage personnel de René Char sur son expérience de la guerre et de la Résistance armée dans le Vaucluse. Ce recueil d'aphorismes et de textes plus longs, s'apparente à une chronique, un journal sur la vie souterraine et clandestine qu'il a menée durant les deux années (presque trois) dans les montagnes et vallées du Vaucluse, manœuvrant sans cesse contre l'occupant. En effet, il est chef de section dans l'Armée secrète et se fait appelé Capitaine Alexandre (référence à Alexandre le Grand ?). Avant d'être poète, l'homme est actif. La poésie est considérée comme dérisoire face à l'innommable de la Guerre. Il fait de son journal, construit comme une suite de notes, sur les épreuves difficiles de l'Occupation, un recueil poétique mais aussi très existentiel : il est constamment traversé de réflexions sur l'amitié, la communauté, le sacrifice, et sur la double question de l'être et de l'action. René Char revient sans cesse sur la confrontation permanente et quotidienne avec la mort, et ce qu'il appelle "l'ennemi absolu" : la guerre.
     

    "J'ai aimé farouchement mes semblables cette journée-là"
    La lecture de ce texte soulève d'emblée plusieurs questions essentielles portant sur la thématique de la séquence. Poésie engagée : tout d'abord, en quoi ce texte (d'apparence prosaïque) peut-il être considéré comme un poème ? Ensuite, comment inscrire ce texte dans la problématique de la séquence (en quoi est-il "engagé") ?
    Nous (pluriel de modestie !) avons donc construit notre étude en nous attachant à suivre plusieurs axes de réflexion : formels, stylistiques et idéologiques.

    1 ) La structure de ce texte

    C'est une narration (dans une œuvre poétique !) qui dépasse le cadre de la simple anecdote. C'est un texte construit suivant les étapes du récit :
    - un paragraphe introductif : présentation et disposition du temps, des lieux, des forces agissantes, et la mise en place de "l'épreuve".
    - un paragraphe principal qui contient le récit de la scène, le retournement de la situation jusqu'au dénouement.
    - une phrase de conclusion à la première personne qui expose une réflexion expressive et intime.
    - une note en bas de page appelée par "sacrifice", dernier mot du texte ; note à modalité interrogative et sans réponse. (interrogation qui se situe hors de l'énonciation du texte, on est dans un temps différent, plus lointain ce qui a pour effet un décalage et produit un effet de surprise)


    2 ) Où et quand se situe l'action ?

    La scène se passe dans un village quelque part en France ("Marcelle" "le boulanger"): "pas un des miens n'était présent au village" et dans la note "le cœur mûri pour moi de ce village" nous l'indiquent. L'action se situe pendant la Seconde Guerre mondiale et l'occupation de la France par l'armée allemande : "deux compagnies de SS et un détachement de miliciens" et "les SS avaient surpris" nous permettent de l'affirmer.
    Plus précisément l'action se déroule tôt le matin puisque "le boulanger n'avait pas encore dégrafé les rideaux de fer de sa boutique" implique l'heure précoce de la journée puisque généralement le boulanger est le premier artisan à ouvrir sa boutique, le premier personnage du village à travailler. De plus, l'auteur indique "depuis quatre heures j'étais éveillé. Marcelle était venue (...) me chuchoter l'alerte" : les indications temporelles sont précisées ici.


    3 ) Quelles sont les différentes étapes du récit ?

    Un récit en plusieurs étapes qui se construit en suivant une progression intensive et l'utilisation des différents temps verbaux du récit au passé. Dans le premier paragraphe (paragraphe de description et de présentation des lieux et personnages) l'emploi du plus-que-parfait ("n'avait pas encore dégrafé") est une indication temporelle précise décrivant un fait accompli et révolu antérieur au passé simple : le premier paragraphe n'est donc pas constitutif d'une véritable étape de la narration. "Alors commença l'épreuve" exprime l'ouverture, par un effet d'intensification dramatique (l'ouverture du rideau au théâtre). L'auteur va décrire une crise, ses rebondissements et l'évolution des personnages jusqu'à l'issue : la violence des SS qui envahissent un village, le tire de son attitude paisible (village en sommeil, encore endormi) et s'acharne violemment sur un maçon coupable de braconnage. Le narrateur est caché dans une grange à proximité et suit la scène, prêt à agir à chaque instant. Les SS veulent savoir où se cache un homme (le narrateur ?). La situation se renverse lorsque surgissent les habitants les plus faibles du village (femmes, enfants et vieillards) en une "marée" fondant sur les SS. La patrouille se retire et le narrateur se découvre.


    4 ) Quelles sont les différentes forces en présence ?

    Il y a plusieurs protagonistes qui se confrontent dans une situation difficile et violente : c'est une crise intense, une "épreuve" avec tout l'aspect sacré qu'elle sous-entend.
    - Le boulanger, Marcelle, le jeune maçon, femmes, enfants, vieillards : qui constituent l'ensemble du village
    - "Deux compagnies de SS et un détachement de miliciens" : l'ennemi.
    - Le narrateur "je".
    Les membres du village subissent l'action et la violence des SS (comparés à un animal monstrueux et totalement inhumain : "gueule" "furieuse" "voix hurlante" "leurs tortures"...). Puis la situation se renverse et une foule (comparée à un liquide purificateur) pousse les ennemis dehors, les éloigne. Le narrateur, dans l'action proprement dite, ne tient pas un rôle majeur : il n'est pas à l'initiative franche de l'action puisqu'il se tient dissimulé, prêt à tirer (à user de la même violence que la "bête" SS) mais tout au long du texte il est nerveux, immobile, silencieux, observateur...


    5 ) Les actions des protagonistes

    Le récit met en scène les habitants d'un village soumis à la violence d'une troupe armée. L'emploi récurrent des tournures passives insistent sur l'apparente inertie de tout un village sous le joug des SS : "le village était assiégé...", "les habitants furent jetés...", "le maçon fut laissé..." D'autres phrases y font écho : "vit les quatre murs (...) voler en éclats sous l'effet d'une bombe".
    Les Allemands mènent des actions violentes : "tenaient sous la gueule" "une voix se penchait hurlante" "coups de pieds et coups de crosse" "leurs tortures". Donc un aspect violent et brutal domine.
    Le narrateur tient peu d'actions qui font progresser la scène : "je me réfugiai", "je pouvais suivre", "je calculais", "j'eus honte de souhaiter", "je me découvris à moitié". Il est donc spectateur, il observe la scène et surtout il est traversé d'émotions :"une rage insensée s'empara de moi, chassa mon angoisse", "cette pensée me rassura", "des coups me parvenaient", ""je tenais à ces êtres"...

     

    6 ) Quel changement peut-on remarquer entre le début et la fin de la narration ?
    L'emploi des différents temps verbaux impliquent plusieurs temps de l'énonciation, plusieurs points de vue narratifs. En effet, l'auteur emploie le plus-que-parfait, l'imparfait, le passé simple, passé composé et le futur antérieur. Le plus-que-parfait exprime une narration rétrospective et le choix de ce temps souligne la volonté du narrateur de considérer l'action passée sous des aspects différents : l'action est accomplie (passé lointain et révolu) car l'énonciation est postérieure : c'est une action achevée présentée dans sa durée. L'emploi du futur antérieur dans "il parlerait" porte une valeur modale forte puisqu'il possède une nuance affective dans la supposition, l'hypothèse d'un fait futur antérieur à un autre fait futur : il offre un aspect hypothétique.
    L'abondance des différents temps verbaux insiste donc sur les différents points de vue de l'auteur. Les temps décrivent des actions présentées par analepse (retour en arrière) et prolepse (anticipation).
    La violence animale des SS porte le début du texte : les villageois sont violemment tirés du sommeil et brutalisés. L'animalité des SS est renforcée par le choix du vocabulaire : "hurlante" "furieuse" "gueule" "allées et venues nerveuses" "tortures". La métonymie "Furieuse, la patrouille..." insiste donc sur une troupe d'hommes comme un seul être monstrueux, une créature effrayante comme un fantôme.
    Dans la phrase "alors commença l'épreuve" qui un fait consécutif de l'invasion, on peut remarquer une inversion de l'ordre sujet/verbe traditionnel (structure que l'on retrouve normalement dans les phrases interrogatives) puisque le sujet est postposé au verbe "commença" ce qui confère un aspect solennel à la scène. De plus, elle participe de l'intensification dramatique, et l'augmente. Le choix du mot épreuve participe également de cet aspect solennel : il semble qu'un rite initiatique et sacré débute.
    La phrase nominale (sans verbe) "Les clés sur les portes" a une valeur descriptive mais participe également de la tension forte, au début de la crise. Par une image proche de l'hypotypose, le lecteur imagine parfaitement les clés en train de se balancer sur les portes de maisons vides, brutalement abandonnées, la vie s'est arrêtée pour laisser place à une peur hypnotisante. Cette phrase nominale accentue l'effet frappant de la terreur installée et du caractère fantomatique du village.
    Un retournement de la situation est marquée par l'entrée en scène d'une foule parmi les plus faibles de la population "marée des femmes, des enfants, des vieillards". Comme un élément purificateur, cette foule comparée à un liquide "jaillissant de chaque rue" et "ruisselant littéralement" sur l'ennemi provoque la délivrance et instille la fin de la souffrance d'un des leurs. La métaphore implicite du rite sacré est ici développée par l'image d'une eau purificatrice et délivrant de toutes les "impuretés". L'intensité dramatique trouve ici son paroxysme.
    La narrateur est quant à lui évolue et traverse la crise aussi intensément que le reste du village. Il est au début du texte dans une attitude de calculs raisonnés et d'observations : "j'avais reconnu immédiatement l'inutilité", "je pouvais suivre de la fenêtre" "cette pensée me rassura"... Très vite, il est sous l'emprise d'une vive émotion qui envahit son esprit "mon angoisse" et son corps "mes mains communiquaient leur sueur crispée"...
    La tension se libère grâce à cet acte collectif de "purification" et tous les regards se tournent vers le narrateur embusqué qui reste seul. Ce regard intervient comme une libération essentielle pour le narrateur puisqu'il lui permet de le sortir de sa torpeur. Il est important de souligner par ailleurs, que tout le long du texte, le regard a une importance fondamentale : il apparait comme l'architecture du texte : le poète caché ne semble pas voir directement les événements de tortures qu'il entend et ressent : "me parvenaient, ponctués d'injures".
    En effet, on peut souligner l'aspect moteur de l'action grâce à l'étude du thème du regard : ce que voit le narrateur (et ce qu'il ne voit pas), ce que voit le village (et ce qu'il sait), ce que ne voit pas les SS. La vue constitue donc un élément moteur de l'action.
    Le thème de l'immobilité couronne le texte : "assiégé", "hypnotisé", "impossibilité de bouger", "inutilité d'essayer de franchir", "resteraient tapis", "les paralysant". Ce champ lexical s'associe ensuite comme une évidence au champ lexical du silence : "bâillonné", "chuchoter", "suivie de silence", "se tairait". Ces termes, qui se font écho dans une unique expression de la contrainte et de la soumission de ce village pris en otage, se rapportent tous à ces habitants : la frayeur exerce sa domination. La résistance de cette communauté unie et fraternelle est silencieuse, elle s'applique de manière sereine.
    La nervosité envahit l'auteur : "sueur crispée", "mon angoisse", "ma pâleur" jusqu'à la libération : "un sourire se détacha". Mais il peut suivre


    7 ) Quelle est la valeur des italiques "parlerait""et "plan concerté" ?

    Généralement, l'emploi des italiques se fait en typographie pour souligner une citation, pour citer des titres d'ouvrages ou de magazines. (C'est une création de la fin du XVème siècle en Italie (d'où son nom français) dans le but initial d'imiter les caractères écrits, les cursives...)
    Les italiques insistent sur le sens propre (dénotation) et le sens figuré (connotation) tout d'abord, puis expriment une insistance sur les sous-entendus. En effet, parler possède un sens propre qui signifie s'exprimer par la parole. Par extension, et dans le contexte du poème étudié il signifie donner des informations, livrer des renseignements. On peut donc remarquer ici une syllepse puisque le verbe parler est utilisé à la fois dans son propre (le maçon va littéralement s'exprimer) et dans un sens figuré (il va fournir les informations demandées par les SS). Le conditionnel présent exprime une hypothèse, un fait envisageable.
    "Plan concerté" en italique possède une valeur quelque peu différente : le poids du non-dit, la sous-entente dans l'emploi de ces italiques semble dominer : l'expression se charge de sens par le soulignement des italiques. En effet, le narrateur ne semble livrer toutes les informations et laisse le lecteur imaginer ce qui est à l'origine de ce "plan concerté" et se charge même implicitement d'un ton ironique. Cela semble le résultat d'une mise au point, d'une entente clandestine entre les habitants du village. Cette expression en italique prend une autre valeur une fois mise en regard avec l'expression entre guillemets "en toute bonne foi". Effectivement, comme un reflet, un écho rapproché, cette expression également ironique insiste sur le fait que le silence apparent du village dissimulait une offensive paisible, calme : la patrouille allemande ne peut s'opposer à une foule d'enfants, de vieillards et de femmes ; en raison du nombre, en raison de la faiblesse de chacun. L'union fait la force et le plan concerté n'est que le résultat de cette constatation. Cette "marée" envahissante surprend les SS et les noie.
    Toute la progression du texte semble bâtie sur ce paradoxe de l'éloquence des silences qui montre l'importance de la fraternité et semble prête au sacrifice pour sauver l'un des siens.
    Dans une situation inconcevable, l'issue est inconcevable. Par la suggestion, René Char décrit l'événement innommable de la libération : la fin de l'épreuve et l'aboutissement du parcours.


    8 ) Narration dans une oeuvre poétique : en quoi ce texte peut-il être considéré comme un poème engagé ?

    Nous avons évoqué plus haut le caractère sacré qui embrassait le déroulement de la crise en particulier dans le choix du vocabulaire "épreuve" (épreuve qui connote le rite initiatique, le passage obligatoire dans une quête, une progression intime) et "jaillissant de chaque rue la marée" comparée ici à une eau purificatrice et délivrant des souffrances. Ce thème sacré implicite devient plus évident dans les dernières phrases du poème et dans la note : "Je tenais à ces êtres par mille fils confiants dont pas ne devait se rompre. J'ai aimé farouchement mes semblables cette journée-là, bien au-delà du sacrifice. N'était-ce pas le hasard qui m'avait choisi pour prince ce jour-là plutôt que le cœur mûri pour moi de ce village ?". L'évocation par la métaphore "fils confiants" d'un sentiment d'union et de croyance en l'Autre associée au "sacrifice" renforce l'idée de sacralité : pour vaincre, il faut développer et accepter les relations qui gouvernent la communauté. La nécessité devient le rapport à l'action, et non plus l'action en elle-même. Dans une réflexion spirituelle, René Char appuie sur l'élément qui unit les Résistants dans leur action et la responsabilité de chacun, et la responsabilité du groupe. Le sacrifice, dans son acception cultuelle est une offrande, une immolation à un dieu afin de bénéficier de ses grâces et de ses faveurs. Par extension, le sacrifice devient le renoncement volontaire à quelque chose, c'est une perte que l'on accepte de plein gré, soit dans une démarche spirituelle individuelle et de s'unir ainsi à une entité supérieure (Dieu?), soit dans un désir d'apaisement et pureté. Étymologiquement, le sacrifice, chez les Romains, c'est l'action de rendre sacré. La confiance et l'abnégation bouleversent la crise difficile que traverse tout un village.
    On peut souligner également l'emploi des temps verbaux dans ces deux dernières phrases : imparfait, passé composé et plus-que-parfait. L'imparfait de "je tenais à ces êtres" crée une rupture dans le tempo rapide des passés simples précédents et vient ralentir l'action dans le but d'appuyer sur une description de premier plan et la valeur itérative du sentiment d'amitié et de confiance qui unit le narrateur et les "êtres" (terme qui connote le surnaturel, l'aspect "surhumain" en quelque sorte de chaque membre de la communauté : dans la continuité de la métaphore implicite du rituel sacré et religieux).
    "J'ai aimé farouchement mes semblables" : on peut remarquer l'oxymore "aimé farouchement" : amour : sentiment de paix et de bonheur tranquille complété d'un adverbe qui évoque l'aspect sauvage d'un animal, qui ne se laisse pas apprivoisé, et par extension, qui souligne un caractère redoutable et féroce dans le combat suggère la force du sentiment qui unit le narrateur aux siens mais aussi la manière d'être au sein de la communauté. Sentiments forts et existentiels qui prolongent le caractère sacré de l'épreuve. Le choix du passé composé note, de plus, que le fait accompli dans le passé garde encore un impact sur le moment de l'énonciation. Le passé composé possède une valeur d'aspect qui montre les séquelles, les cicatrices palpables du passé sur le présent : en l'occurrence ici c'est l'état psychologique du narrateur.
    Ce texte peut être considéré comme un poème engagé tout d'abord, parce qu'il est simplement considéré par René Char comme un texte poétique et qu'il paraît dans un recueil de poésie. Et puis, par l'aspect de récit épique et poétique que l'homme pourrait raconté au coin du feu et qui utiliserait de nombreuses images et : ici, tout le texte semble s'articuler autour des images et autour de la suggestion. Enfin en raison de la richesse lexicale, et des mondes d'imaginations suggérés par des associations riches et inattendues ("sueur crispée", "mille fils confiants" "mon arme (....) sa puissance contenue", "le cœur mûri pour moi de ce village"...). Ces images-articulations semblent donc pénétrer le texte d'un mystère de la création qui semble toujours entourer les textes poétiques. Cette narration poétique devient par l'emploi évident d'un langage affectif et chargé d'émotions l'expression d'une expérience sensible et existentielle décrite de façon plus ou moins hermétique. Le contexte historique précis donne à voir le mal absolu incarné dans les SS et tous les aspects négatifs de la guerre.


    Conclusion
    Le récit poétique.

    L'auteur démontre donc que pour exister (l'objet supposé de toute quête initiatique : se dépasser pour s'améliorer ; cf "bien au-delà du sacrifice")il faut agir. L'écriture poétique, même engagée, ne suffit pas à engendrer une offensive efficace contre la guerre. Dans un élan spirituel, René Char revient sur la manière d'être, ses états d'âme et la disposition d'esprit de toute la communauté prête au sacrifice de sa globalité pour sauver un seul des siens. La Résistance pour René Char doit donc s'armer : les idées ne se libèrent qu'à condition d'agir : est-ce l'acte qui détermine l'existence d'un homme ? ou est-ce l'idée qui l'anime et qu'il exprime ?
  • Corrigé Brevet 2006

    Le Soleil des Scorta
    Laurent GAUDE


    QUESTIONS (15 points)

    Toutes les réponses doivent être rédigées.

    I - "SUR UN CHEMIN DE POUSSIERE" (5 points)

    1. Relevez quatre mots ou expressions appartenant au champ lexical de la chaleur. (1 point)
    = "air brûlant" "hébété de chaleur" "soleil" "s'enflammer"

    2. "Comme une flaque immobile qui ne servait qu'à réfléchir la puissance du soleil." (l.16-17)
    "réfléchir" (l.16)
    Remplacez ce verbe dans la phrase par un mot ou une expression synonyme. (0,5 point)
    = refléter, réverber, renvoyer, réfracter

    3. Pour quelles raisons l'auteur insiste-t-il ainsi sur la chaleur ? (l.1 à l.5) (0,5 point)
    = épuisement et obstination ; aspect fantomatique et volonté renforcée.

    4. "Enfin, au détour d'un virage, la mer fut en vue." (l.13-14)
    "C'est alors qu'ils virent Montepuccio". (l.28)
    a. Relevez les deux adverbes.
    = Enfin - alors

    b. Justifiez le temps des verbes.
    = Passé simple de l'indicatif. Temps du récit. Action de premier plan, aspect ponctuel.

    c. A partir de vos réponses, indiquez ce que marquent ces deux phrases dans la progression générale du récit. (2 points)
    = Ces deux phrases marquent deux étapes importantes du récit et du voyage : apparition de la mer puis du village. Les adverbes de temps et leur place soulignent ces étapes, au même titre que le passé simple. Idée de rupture, de surprise, d'apparition soudaine.

    5. "Et son cavalier semblait une ombre condamnée à un châtiment antique." (l.4)
    En vous appuyant sur cette comparaison, dites quel est le destin qui selon vous attend le cavalier. (1 point)
    = mort, damnation, idée de fatalité.


    II - "J'IRAI JUSQU'AU BOUT" (5 points)

    1. "Je plongerai dans les flots mais je ne céderai pas." (l.25)
    a. A quelle phrase de ce même paragraphe cette phrase fait-elle écho ?
    = "il était prêt à s'enfoncer dans les eaux, de ce même pas lent et décidé si son maître le lui demandait" (l 20-21)

    b. Qu'en déduisez-vous sur la relation entre l'homme et l'animal ? (1 point)
    = L'homme et l'âne ne font qu'un, un même volonté les anime.

    2. "Ni l'air brûlant qu'il respirait. Ni les rocailles pointues sur lesquelles ses sabots s'abîmaient." (l.2 et 3) et "Jusqu'au bout. J'avance. Et je veux ma vengeance." (l.26)
    a. Observez la construction de ce passage et indiquez les procédés utilisés.
    = négation, rythme saccadé, phrase nominale, phrase courte...

    b. Que nous révèlent-ils sur le cheminement de l'homme et de sa monture ? (1,5 point)
    = Ces procédés montrent l'avancée inexorable de l'homme et de l'animal : le destin est en marche.

    3. "Je devrais déjà apercevoir le village. A moins qu'il n'ait reculé. Oui. Il a dû sentir ma venue et a reculé jusque dans la mer pour que je ne l'atteigne pas."(l.23-25)
    a. Quelle est la figure de style utilisée pour évoquer le village dans ces lignes ?
    = Personnification

    b. D'après vous, quel sentiment le cavalier prête-t-il au village ? (1 point)
    = Le village aux yeux du cavalier semble éprouver de la peur puisqu'il se serait caché dans la mer.

    4. Dans ce même passage, le verbe "reculer" est employé deux fois à deux modes différents. Identifiez-les et expliquez la signification de ce changement de mode. (1,5 point)
    = - "ait reculé ": subjonctif passé
    = - "a reculé" : indicatif passé composé
    = Le changement de mode indique le passage du doute, de la possibilité, à la réalité et la certitude : le cavvalier pense que le village a vraiment peur de lui.


    III - "LA DERNIERE COLLINE DU MONDE" (5 points)

    1. "Un petit village blanc, de maisons serrées les unes contre les autres, sur un haut promontoire qui dominait le calme profond des eaux." (l.29-30)
    a. Précisez la nature de petit, puis celle de qui dominait le calme profond des eaux.
    = "petit" : adjectif qualificatif
    = "qui dominait..." : proposition subordonnée relative.

    b. Dites à quelle forme de discours appartient cette phrase.
    = discours descriptif

    c. Quelles impressions donne-t-elle du village et du paysage ? Vous développerez votre réponse en utilisant d'autres éléments du dernier paragraphe. (2,5 points)
    = impression de domination et d'entassement : une présence humaine dans un environnement hostile et "désertique".

    2. "L'homme sourit. Le village s'offrait au regard dans sa totalité." (l.28-29)
    a. Comment interprétez-vous ce sourire ?
    = sourire de satisfaction, de défi, de soulagement

    b. Quelle hypothèse ces deux phrases vous permettent-elles de formuler sur la suite du roman ? (1 point)
    = L'homme sourit : il éprouve une mauvaise joie : sa vengeance est proche et ne peut lui échapper : c'est le sens du verbe "s'offrait" et du groupe nominal "dans sa totalité" ; cette reformulation suppose une reddition de la part du village.

    3. En vous appuyant sur vos connaissances (récits, théâtre, cinéma...), dites à quel type de personnage ce cavalier peut faire penser. Rédigez votre réponse en la justifiant. (1,5 point)
    = Don Quichotte, Ulysse, Colomba, Lucky Luke... L'image d'un héros vengeur venu du passé (voire de la mort) à la fois fatigué mais obstiné et déterminé. Le personnage est un archétype (héros du drame romantique, du roman populaire, du western...)


    REECRITURE (4 points)

    1. "Le cavalier ne bougeait pas. Un vertige l'avait saisi. Il s'était peut-être trompé". (l.21).
    Réécrivez ce passage en remplaçant "Le cavalier" par "Les cavaliers". (2 points)
    = "bougeaient" - "les avait saisis" -"s'étaient trompés"

    2. "Rien ne viendra à bout de moi... Le soleil peut bien tuer tous les lézards des collines, je tiendrai." (l.9-10).
    Réécrivez ce passage au discours indirect en commençant par "Le cavalier murmurait que..." (2 points)
    = "ne viendrait" -"lui" - "pouvait" - "qu'il tiendrait"

    REDACTION (15 points)

    Derrière leurs volets, une vieille femme et sa jeune voisine voient passer le cavalier. La première le reconnaît et révèle à l'autre le passé de cet homme. Craintive, elle lui explique les raisons qui pourraient motiver son désir de vengeance. En réponse, la jeune voisine tente de montrer que la vengeance est "mauvaise conseillère".

    Vous présenterez rapidement la situation ; puis, dans une première partie, la vieille femme prendra la parole et dans une seconde partie, sa voisine essaiera de la convaincre que la vengeance est "mauvaise conseillère".

    Construction du plan :
    = respect de la situation d'énonciation
    = respect des personnages et vraisemblance

    Récit de la vieille dame :
    = originalité, cohérence du récit et passé du cavalier, motivation des craintes.

    Argumentation de la jeune voisine :
    = Présence de trois arguments au minimum :
    = engrenage de la violence, tolérance et ouverture d'esprit
    = souffrance personnelle
    = répercussion sur des innocents, paix retrouvée grâce au pardon...

    Maîtrise de la langue
    = correction de la syntaxe, maîtrise lexicale et grammaticale
    = richesse et rigueur du vocabulaire, utilisation correcte des deux types de discours et du système des temps !

    DICTEE (6 points)

    Il observait avec minutie chaque coin de rue. Mais il se rassura rapidement. Il avait le bon choix. A cette heure de l'après-midi, le village était plongé dans la mort. Les volets fermés. Les chiens même s'étaient volatilisés. C'était l'heure de la sieste et la terre aurait pu trembler, personne ne se serait aventuré dehors. Une légende courait dans le village qu'à cette heure, un jour, un homme avait traversé la place centrale. Le temps qu'il atteigne l'ombre des maisons, le soleil l'avait rendu fou. Comme si les rayons du soleil lui avaient brûlé le crâne. Tout le monde, à Montepuccio, croyait en cette histoire.

  • Enonciation et modalisation

    L'énonciation

    L'énonciation, c'est l'acte de produire un énoncé dans une situation précise de communication.
    (qui parle à qui ? où et quand ?)
    La situation d'énonciation se définit par la présence de :
    - un émetteur
    - un récepteur
    - un lieu et une époque
    On parle d'indices dénonciation :
    - pronoms personnels et adjectifs possessifs
    - indicateurs spatio-temporels (demain, ici, là-bas, hier...)

    Un énoncé présentant ces indices est ancré dans la situation d'énonciation.

    Un énoncé ne présentant pas ces indices est coupé de la situation d'énonciation.

    La modalisation

    La modalisation c'est la révélation du point de vue de l'émetteur (sentiments, opinions, préférences...)
    Elle permet de traduire des certitudes, des jugements positifs ou négatifs et se trouve souvent dans des textes argumentatifs.
    La modalisation utilise plusieurs procédés :
    1 ) le vocabulaire :
    - verbes d'opinions (penser, croire, juger...)
    - adverbes d'opinions (bien sûr, sans doute...)
    - lexique évaluatif : champs lexicaux péjoratifs et/ou mélioratifs : point de vue valorisant ou dépréciatif.
    2 ) la grammaire :
    - modes verbaux : le conditionnel par exemple, pour exprimer l'éventuel...
    - groupes prépositionnels : à mon avis, selon moi, d'après lui...
    3 ) la stylistique
    - comparaison, métaphore, hyperbole, litote...

  • La tragédie

    La tragédie est un genre dramatique.

    - Souvent d'inspiration mythologique et parfois historique, elle met en scène des personnages nobles, des héros (rois, reines, princes...). Ces personnages, symboles de la condition humaine, jouets des dieux et du destin, tentent d'éclairer la question de leur liberté.

    - Apparue en Grèce antique (chant du bouc, et symboliquement le chant de la victime expiatoire) elle vise à susciter la terreur et la crainte, la pitié et l'admiration, des interrogations morales, chez le spectateur : c'est la catharsis (purification).

    - Le protagoniste principal est poussé par des sentiments supérieurs, un motif psychologique, à commettre une erreur, à perturber un ordre naturel. Cet aveuglement le rend responsable de sa propre souffrance. Il est victime de la fatalité et ses efforts sont vains. Il ne peut pas lutter contre son destin.

    - Le dénouement de la tragédie est souvent malheureux (mort, suicide, exécution...) car les héros sont prisonniers d'une situation cruelle et de leurs passions.

    - Dans la tragédie classique (Corneille, Racine...), les personnages s'expriment avec noblesse et majesté (car leurs passions et leurs motivations sont grandes et nobles). Le registre est tragique : ton solennel et vocabulaire moral pour exprimer l'impuissance et la révolte, en rapport avec le destin et la fatalité.

    - Les formes d'expression sont précises : pour exprimer la détresse, on emploie des interrogations et des exclamations. Pour exprimer la plainte et la colère, on choisit des apostrophes et des invocations. Il s'agit de susciter l'horreur et l'effroi, de provoquer la compassion devant lun destin exemplaire. L'importance réside dans la révélation des états d'âme et des sentiments du personnages.

  • Piste pour le brevet blanc...

    J'ai un bon tuyau à vous donner pour le brevet : Révisez bien mes cours ! C'est gratuit !

  • Absinthe et cornegidouille !

    "Salut, verte liqueur, Némésis de l’orgie!
    Bien souvent, en passant sur ma lèvre rougie,
    Tu m’as donné l’ivresse et l’oubli de mes maux;
    J’ai vu plus d’un géant pâlir sous ton étreinte!
    Salut, sœur de la Mort! Apportez de l’absinthe;
    Qu’on la verse à grands flots!

    Il est temps à la fin que je te remercie:
    Celui qui ne sait pas toute la poésie
    Qu’un flacon de cristal peut porter en son flanc,
    Celui-là n’a jamais près d’une table ronde,
    Vu d’un œil égaré les globes et le monde
    Valser en grimaçant. (...)"

    Texte attribué à Alfred de Musset

    Ca laisse rêveur...

  • Analyse elliptique

    Dora, Babouche, Diego et les autres.

    L'exploratrice et ses acolytes possèdent-ils vraiment une psychologie profonde ? A l'évidence leurs caractères se résument à un trait dominant (générosité ?). Comment mesurer la stimulation du développement intellectuel (cognitif, émotionnel, social ?) d'un enfant enchevêtré entre quinze minutes de publicité et son bol de céréales bourré de sucre ? Dora doit aider le tube digestif (déjà sérieusement abruti) à son sacro-saint développement psychomoteur.
    In fine, le seul personnage consistant demeure Chipeur : il joue sur deux tableaux de l'action : à la fois adjuvant et opposant...mais bon...
    Qui va s'alarmer devant cette mécanique implacable frelatée d'imposer à des enfants une camisole de force les empêchant de saisir le réel ? Est-ce que dès quatre ans, il leur est déjà interdit de penser ? Dora veut-elle en faire des bien-pensants bouffeurs de culture U.S?
    Oulaaaa ! Je retourne au règne des machines...

  • Pourquoi Aragon est-il fade ?

    Fade ? En comparaison, René Char a bien sûr un meilleur goût, une saveur de vécu, une note de questionnement, un intérêt, un mordant qui n'existe ni chez Eluard ni chez Aragon ni chez aucun autre...
    Attention, il s'agit là d'une remarque tout à fait personnelle n'engageant que moi... Les textes étudiés s'inscrivent dans le cadre de séquences qui gardent un intérêt certain qu'il est inutile de préciser ici : il s'agit de faire des élèves des citoyens avertis, des hommes et des femmes dotés d'une conscience politique...
    Allez : je les laisse à leur conscience, je vais me mater un bon Dora et je reviens...

  • Strophes pour se souvenir

    Strophes pour se souvenir, 1956, Louis Aragon.

    Paru dans le Roman Inachevé, sorte d'autobiographie poétique : ouvrage qui connaît un vif succès.

    1 ) La forme du texte :

    7 quintils, 2 rimes dans chaque strophe mais présence continue dans le texte de la rine - an {ã} (évoque Manouchian ?). Les vers sont libres mais d'une apparente régularité : forme assez classique et accessible malgré l'absence de ponctuation ; on est loin de l'hermétisme surréaliste. La structure du texte se dessine clairement : strophe 1 : le souvenir ; strophe 2 ; l'affiche et son rôle ; strophe 3 : le poète s'oppose à l'Affiche. Dernière strophe : un sacrifice qui change le monde.

    2 ) Rappel du contexte historique et référentiel :

    le point de départ, c'est l'Affiche rouge parue sur les murs de Paris puis des autres villes le 21 février 1944 tirées à 150 000 exemplaires qui font état de l'éxécution de 23 FTP à Suresnes au Mont-Valérien. Les Nazis veulent montrer que la Résistance qui s'organise et qui pose des problèmes face aux forces de repression n'est que du banditisme. La couleur rouge agressive et effrayante insiste sur l'aspect criminel des FTP éxécutés. Les photos des FTP arrêtés avec leurs noms, nationalités et activités veulent convaincre de l'identité subversive des criminels parce qu'ils ne sont pas Français. Le texte et le slogan de propagande ont un aspect démonstratif avec l'exclamation et l'interrogation. Les photos en bas sont violentes et veulent prouver qu'ils sont terroristes.

    3 ) Les énonciations dans le poème : il y a trois énonciations.
    vers 1 à 18 : le poète s'adresse aux résistants ( "nos villes" -> "vous"). Quand ? en 1956, c'est l'appel au souvenir.
    vers 19 à 30 : le résistant s'adresse à Mélinée : reprise d'une lettre de Manouchian avant son éxécution.
    vers 31 à la fin : le poète n'est plus présent : récit à la 3ème pers du pluriel : le recul de l'auteur et la conclusion.

    4 ) Quels éléments de l'Affiche rouge sont repris dans ce texte ?
    vers 6 : "vos portraits" : ce sont les photos de l'Affiche présentées sous un jour négatif : "noirs", "hirsutes", "menaçants" : chercher à provoquer l'inquiétude. Les photos sont choisies arbitrairement : la violence est l'effet recherché par les propagandistes. "Tâche de sang" : la couleur rouge de l'affiche( le crime, le sang et la Résistance) "vos noms sont difficiles"... les noms sur l'affiche.

    5 ) Quelle interprétation en fait le poète ?

    Le poète dénonce la volonté d'effrayer des nazis : ils veulent convaincre les passants que la Résistance n'est que du terrorisme et de la criminalité. Il dénonce : - les portraits présentés comme angoissants ; - le poète évoque la couleur rouge : le sang, la présentation criminelle des FTP sanguinaires. 2vocation des noms à consonnances étrangères : les nazis veulent les présenter comme antipathique parce qu'ils sont étrangers mais pour Aragon ils sont indubitablement Français. Pour Aragon, l'Affiche ne sert qu'à effrayer car elle est pauvre en arguments et montre l'aspect primaire de la propagande qui cherche les reflexes de rejets. Aragon exprime clairement son engagement à la cause des Résistants et les présente comme des martyrs.

    6 ) Références temporelles et spatiales ?

    "onze ans" : Seconde Guerre Mondiale et occupation nazie en France. Le temps passe vite et il ne faut pas oublier: appel au souvenir. "le jour durant" : la lumière, les Français semblent indifférents. "couvre-feu" : obscurité, la solidarité et la reconnaissance sont secrètes. "Fin février" : arrestation et exécution des FTP. "les mornes matins", "vos derniersmoments" et "couleur uniforme du givre" : évoque le mois de février, froid et brumeux, soulignée dans une atmosphère pénible et sombre : morosité et ambiance sinistre.
    "les murs de nos villes" : le pluriel souligne que ces nombreuses affiches sont placardées partout en France.

    7 ) Comment est présentée l'attitude des Français ?

    "les passants", "nul ne semblait", "les gens (...) sans yeux pour vous", "des doigts errants" : Aragon présente une masse anonyme et et indéfinie ("des") qui semble indifférente le jour. "MAIS" au vers 13 souligne l'opposition la nuit : la masse bascule dans la solidarité et se relève : la "peur" (v. 10) disparaît. Inscrire "MORTS POUR LA FRANCE" est un acte de résistance et de soutien. La nuit se tient l'insurrection et montre l'échec de l'Affiche.

    8 ) Comment l'auteur s'insurge-t-il contre l'Affiche ?
    L'Affiche rouge présente les FTP comme des criminels à abattre car ils sont sanguinaires et terroristes. Aragon, v. 1 & 2 les montre modestes. v. 5 : le courage ; v.6 & 7 : ce sont des combattants pugnaces et ordinaires (héros modestes) ; v.11 : ils sont oubliés et anonymes. Dans la dernière strophe Aragon appelle au souvenir : le devoir de mémoire s'impose.

    9 ) Quel est le sens de la lettre ?

    Par cette lettre, Aragon donne la parole à Manouchian, au partisan qui va être fusillé : il est humain et non criminel, il fait part de ses émotions et de ses convictions. répétition de "Adieu". Champ lexical du bonheur et de la nature ("bonheur", "plaisir", "heureux" & "lumière", "vent", "un grand soleil d'hiver éclaire") . Il regrette d'être fusillé mais il n'éprouve aucune haine. L'amoour et la paix s'opposent à la haine et la guerre. Cette lettre est la réécriture poétique d'une véritable lettre écrite par Manouchian à sa femme mais elle s'adresse aussi à ceux qui vont survivre. Impératif et temps du futur : il d"livre un message d'avenir et d'espoir "le Bonheur", "la justice" et "nos pas triomphants". C'est en quelque sorte une réponse à l'Affiche : l'accusé se défend en exprimant paix et amour qui s'opposent radicalement à l'agressivité de l'Affiche. A l'aspect criminel s'oppose l'aspect humain.

    10 ) Comparaison des deux premières strophes et de la dernière ?

    le "vous" devient "ils". la première strophe : appel au souvenir, description et éloge des partisans. A la fin, c'est l'ouverture universelle qui apparaît : valeurs communes de justice, d'amour et de paix. Les hommes se sacrifient pour la paix et la liberté de toute une communauté, c'est un sacrifice qui change le monde. On passe également de l'anonymat des premiers vers "nul ne semblait vous voir" à un nombre précis martelé "vingt et trois"Les FTP soit-disant criminels prennent un visage différent : ils sont patriotes (opposition "étrangers" et "nos frères") ils deviennent Français car ils sont des martyrs et courageux.

    11 ) Comment l'auteur justifie-t-il le titre de son poème ?

    C'est un thème récurrent de la poésie engagée que d'appeler au devoir de mémoire. "onze ans déjà que cela passe vite" : au moment de l'écriture, le souvenir de la guerre s'efface et également le souvenir de la Résistance. La poème se veut une oeuvre de mémoire. L'Affiche représente à jamais les oubliés de l'Histoire. Aragon les réhabilite. L'importance du temps qui passe (répétition de "onze ans", adverbes "vite" et "déjà", absence de ponctuation) Il faut lutter contre l'oubli et marquer les esprits. La dernière strophe s'assimile à une épitaphe.

    Conclusion : Aragon remplit toutes les contraintes du poème engagé et l'adresse au plus grand nombre. Il se détache du surréalisme pour être plus accessible et toucher. Il en revient à une forme plus traditionnelle. Il évoque tous les symboles de la Liberté et du combat pour celle-ci. Combat mené par des hommes généreux et non criminels.

  • Au sujet du brevet blanc

    Vous feriez mieux de réviser mes cours !
    { plutôt que de gloser sur la question fondamentale certes, mais futile toutefois de l'intérêt de la littérature et de la culture dans un cerveau normalement constitué (oulala ! " y'a des mouches ici !")}
    Il faut travailler pour se libérer des contraintes ! Alors, je ne donne pas le sujet mais pensez à BIEN relire mes cours! (conjugaisons, énonciations, modalisation et les figures de style...)
    En vous remerkiant !

  • Ce coeur qui haïssait la guerre...

    Robert DESNOS, Ce coeur qui haissait la guerre

    Petit rappel sur la poésie engagée :
    - Le poète engagé prend conscience de son appartenance à une communauté et à son temps. Il renonce à devenir spectateur pour s'engager et devenir acteur : il met sa pensée et son art au service d'une cause.
    - La poésie engagée est ancrée dans la réalité et dans l'Histoire : elle comporte donc des références spatiales et surtout temporelles concrètes et vérifiables.
    - Dans une démarche argumentative, elle utilise des symboles, des personnifications, des allégories...
    - Le but du poète engagé est de révéler la réalité, témoigner, dénoncer, transmettre un message d'espoir, persuader le lecteur d'adhérer à une cause, défendre des valeurs universelles, inciter à l'action, appeler au souvenir...
    - Pour cela, le poète veut toucher le lecteur : - susciter une émotion, une indignation... - toucher son esprit : le faire réfléchir...

    1 ) Indices de l'énonciation :
    "je", "me", "le mien" (au milieu du texte, fin de la première strophe) : le poète tient un discours, s'adresse au lecteur, à un auditoire (impératif " Ecoutez ") ! Le démonstratif "ce" semble impliquer le coeur du poète. Le narrateur apparait au coeur du texte puis semble s'évanouir parmi des "millions d'autres coeurs" tout en s'y comparant.

    2 ) Passage d'un sentiment individuel à un sentiment collectif :
    " les échos", "d'autres coeurs battant comme le mien" : le poéte est en union avec ces "autres coeurs" dans un même mouvement vers la liberté. Progression : " ce coeur", "ces coeurs", "ces millions d'autres coeurs" (gradation): on est dans un mouvement d'amplification. Le passage du singulier au pluriel entre le premier et le dernier vers souligne l'importance de l'aspect collectif.

    3 ) Le poème bâti sur des répétitions :
    " ce coeur qui haissait la guerre", "ce coeur qui ne battait plus", "ces coeurs qui haissaient la guerre" (anaphore "ce coeur qui..."): des répétitions, des parallelismes, un refrain s'installe, une structure identique est répétée au premier et au dernier vers. On peut remarquer l'imprtance du symbole du coeur : il représente la vie et les sentiments (l'amour/la haine, la vie/la mort). Enfin, nous pouvons remarquer un polyptote des dérivés du verbe battre : bat, combat, bataille, battait, battant...
    Les mots et les structures répétés prennent une force qui exprime la révolte collective

    4 ) Le vers qui reprend la thèse de l'auteur :
    "Révolte contre Hitler et mort à ses partisans" : vers le plus bref, le plus percutant.
    Message clair et résolution du dilemme : il faut se révolter et s'armer même si l'on est pacifiste pour reconquérir sa liberté : "mot (...) Révolte" et "même mot Liberté". Valeurs qui unissent et rassemblent. implicitement, Desnons appelle les valeurs fondamentales de la République (le texte paraît un 14 Juillet). Il faut redonner espoir aux compatriotes : rébellion et résistance.

     

    5 ) Caractère argumentatif :
    La poésie engagée a une valeur argumentative : quels sont ces caractères dans ce texte ? Connecteurs logiques : "mais non" (dénégation) ; "pourtant", "mais" (l'objection), "et" (l'adjonction), "car" (explication). Le poète est dans une démonstration mais la thèse est implicite: "haïr la guerre" opposé à "se battre pour la paix".
    Le poète semble tenir un discours de chef de guerre, il remonte ses troupes avant l'assaut.

    6 )Temps verbaux :
    Deux temps dominent le texte : le présent et l'impaarfait : en particulier sur un verbe réccurent : battre.
    L'imparfait exprime plutôt la paix et évoque les battements du coeur qui ponctuent la vie ; le refus du combat. 
    Le présent prend l'aspect de la constation et de l'observation : c'est le temps de la guerre et de l'engagement, le poète s'affirme et élargit sa volonté à la collectivité.
    7 ) Musicalité et technique poétique :
    Il ya des mots-clés recurrents : "coeur", "battre", "marées", "saisons" : aspect cyclique qui s'accélère dans les énoncés au présent et ralentit à l'imparfait. L'oxymore "coeur/haïr" exprime un dilemme. Allitération au vers 1 en -ba souligne la dureté du combat. Le mot d'ordre semble une phrase de propagande. Le corps est comparé à une machine de guerre ( "un bruit dans la cervelle", "oreilles qui sifflent", "sang brûlant de salpêtre et de haine", "pour la même besogne tous ces coeurs", "leur bruit"). Vocabulaire choisi : "réveiller", "se préparer", "l'aube proche" : la libération arrive. Hyperbole "la mer à l'assaut des falaises" : la mer déchaînée compare la communauté. Un vocabulaire violent : militaire et guerrier. L'importance de la dimension collective : ville, campagne, France, Français, millions...)

     

    8 ) Ponctuation, tonalité et structure :
    Ni rime ni vers réguliers. Alternance d'énoncés courts et d'énoncés longs. Phrases exclamatives. Ensemble qui exprime un mouvement de va-et-vient identifiableà un battement de coeur. Rapide et court, long et ample : rythme cardiaque sous l'émotion ! ("rythme des marées, rythmes des saisons")
    Tonalité lyrique : présence du "je", implication du locuteur mais peu exprimée dans la longueur du texte. Utilisation de la modalisation : expression des sentiments, des doutes et des opinions du narrateur : il est sensible à ce qu'il énonce et le fait savoir au lecteur. Il fait part de son émotion.

    9 ) Champs lexicaux :
    la nature : "saisons", "marées", "jour", "nuit", "heures" : les cycles de la vie.
    rythmes et sons : "bruit", "écho", "sifflent", "son d'une cloche" : l'appel universel à la révolte.
    la vie organique : "sang", "cervelle", "veines", "oreilles", "coeurs" : le corps dans une présentation crue et naturelle.
    le combat : un polyptote : "bat", "combat", "bataille", "battait", "battant"... impressionde martèlement dans une connotation guerrière renforcée par un vocabulaire de révolte : "guerre", "salpêtre", "émeute", "assaut", "révolte", "vieilles colères".

    Conclusion :

    Ce poème clandestin paru le 14 Juillet 1943 incite clairement à la Résistance armée et au combat. Il semble plaider pour une humanité libre et pour une lutte indiscutable pour la paix. Il faut haïr la guerre mais ne pas hésiter à utiliser ses méthodes pour s'en libérer. Le poète semble résoudre le dilemme initial : même placé devant un choix difficile, rien ne peut s'opposer à la Liberté.

  • Le lac, Lamartine.

    Le Lac, Alphonse de Lamartine, ( 1790 - 1869 ), Méditations Poétiques ( 1820 )

    Lecture analytique

    Les Méditations Poétiques ( 1820 ) développe des thématiques de la solitude et de la mélancolie : phénomène nouveau dans la littérature française du XIXème siècle. Cet ouvrage est tout de suite perçu comme un véritable manifeste romantique, une nouveauté qui plaît car l'expression de sentiments personnels et intimes est encore inédite. Le thème de la nature, associé à une sensibilité profonde exprimés sur une tonalité élégiaque qui parcourent l'oeuvre, et Le Lac en est une illustration évidente.

    Ce texte révèle un poème d'amour, une certaine détresse devant la fuite inexorable du temps ainsi qu'un certain sentiment de la nature. " Je suis le premier qui ai fait descendre la poésie du Parnasse et qui ai donné à ce qu'on nommait la Muse, au lieu d'une lyre à sept cordes de convention, les fibres mêmes du coeur de l'homme, touchées et émues par les innombrables frissons de l'âme et de la nature " ( Préface, Méditations Poétiques ).

    Composition du texte : 16 strophes de 4 vers distribués en : 3 alexandrins et un vers de six pieds.
    rimes croisées (abab)

    Poème inspiré par Madame Charles qui était sa maîtresse rencontrée au bord du lac du Bourget.

    Nous pouvons nous poser plusieurs questions à la première lecture de ce texte et dégager les principaux thèmes et différents mouvements de ce poème :

    Enonciation : " ô lac " ; " ô temps " ; " ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure " ; " eternité, néant, passé, sombres abîmes, " : le poète s'adresse d'abord au lac, il apostrophe également le " temps " et prend à témoin la nature toute entière (nature austère et immuable) qui devient la confidente de l'homme et recueille sa plainte, il exprime son angoisse devant le Temps inéluctable et destructeur.

    Tonalité tragique et élégiaque : expression tourmentée de sentiments mélancoliques dans un registre lyrique : le lecteur est invité à partager l'inquiétude du poète (exclamations et interrogations insistantes ; le vocabulaire choisi est expressif et les figures sont frappantes, la musicalité est très rythmée).

    Ce poème peut être défini comme appartenant au domaine de l'élégie par plusieurs points : l'amour brisé est ravivé par son souvenir ; on y trouve les élans de l'âme et du coeur sur le mode de la prière et de la plainte. Les sentiments sont d'abord l'inquiétude, célébration de l'amour puis l'angoisse et la plainte.

    Le champ lexical du temps renforce ce sentiment d'obsession du temps.

    vers 1 : " Ainsi " : le poème commence par une impression de conclusion de rêverie ou de réflexion profonde.
    vers 3-4 : " océan des âges " : métaphore du temps qui évoque son vaste infini ; l'homme est livré à ses flots malgré lui et ne peut jamais l'arrêter.
    vers 5 : " ô lac ! " : personnification du lac : il devient le confident du poète sur le ton de la plainte et lui fait part de sa solitude.
    vers 9 : " tu mugissais ainsi sous ses roches profondes " : en plus d'être austère et abrupte, la nature est immuable malgré le temps qui avance et emporte tout, au contraire de l'homme qui constate les changements du coeur et les douleurs qui l'accompagnent. Allitération en {ss} qui semble prolonger la plainte.
    vers 12 : " ses pieds adorés " : rupture dans la strophe : le poète nous fait passer de la rigueur de la nature à la douce évocation d'un être aimé et disparu : le vers à six pieds souligne le constrate par sa position finale dans la strophe, il insiste sur la délicatesse de l'être perdu.
    vers 15 : " Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence " : rythme du vers ponctué de la consonne {k} évocateur du clapotis des rames dans l'eau, de manière symétrique ( position 1, 7 et 10 ) ce qui a pour effet de renforcer l'impression d'intimité, et d'une certaine perfection dans le bonheur de l'instant vécu ( "silence", "cadence", "harmonie").
    vers 17 : "tout à coup" : le poète nous entraîne dans un nouveau mouvement, le bonheur est interrompu par une supplication développée dans la strophe suivante, l'ambiance paisible se détériore.
    vers 20 : " laissa tomber ces mots " : l'être perdu souffre et délivre avec difficulté des mots poignants.
    strophe 6-7-8-9 : rien n'arrête le temps et l'homme ne peut pas lutter contre son destin : il doit plier devant la fuite implacable du temps. Les rythmes et le vocabulaire renforcent ce sentiment tragique d'impuissance et de douleur ; l'homme passe, la vie s'écoule, le temps et la mort emportent tout et les êtres aimés disparaissent.
    Le temps passe et nous offre différents points de vue sur la condition humaine : le futur de la strophe 1 exprime une interrogation intime et à la fois universelle, sur un ton lyrique ; le présent c'est l'observation générale et la constation face à l'impuissance d'un temps qui ravit tout, aussi bien bonheur qu'être aimé ; l'imparfait c'est l'expérience vécue et le regret du bonheur perdu, Le souvenir évoqué fait revivre ce bonheur et la confession au lac permet au poète de cristalliser ces moments fugitifs, les rendre enfin éternels.
    vers 40 : " eh quoi " : les tournures des phrases interro-négatives insistent sur la douleur du poète et son impuissance. Nouveau mouvement dans la progression du poème : la souffrance devient violente.

    Le sentiment de la nature également incarne et recueille les états d'âme du poète livré sur le mode de la plainte mélancolique. La nature devient porteuse de charge affective et un espace spirituel dans lequel le souvenir se réactive car elle est considérée comme une amie. Les paysages immobiles et impérissables, cadres témoins de l'émotion du poète, font revivre les instants fugitifs et les conservent à jamais.

    Une véritable méditation interrogative et philosophique transporte le discours d'Elvire et prolonge sa plainte:
    vers 34 : " Hâtons-nous, jouissons !" : conclusion totalement épicurienne (carpe diem) : l'homme ne peut pas fixer le temps, l'éternité lui est refusée, et il faut saisir le plaisir fugitif.
    vers 38 : " où l'amour à longs flots nous verse le bonheur " : perfection dans l'accord du fond et de la forme, une certaine force et une magie se dégagent du tour utilisé.
    strophe 11 : accents de la douleur du poète avec l'emploi interro-négatif et aussi la répétition (anaphorique) de "quoi" : le rythme s'accélère et devient haletant. L'angoisse de l'homme est profonde et se traduit par des enchaînements et le mouvement rapide de la strophe.
    vers 45 : " sombres abîmes " : apposition des éléments du temps : encore une fois le poète exprime une certaine peur effrayée face au temps tout-puissant et qui ne rend jamais rien ( image renforcée au vers 48 : " que vous nous ravissez" )strophe 13-14 : structure de répétition anaphorique dans la continuité angoissante des émotions et interrogations du poète (contraste et sentiment poignant de la nature)
    Remarquons la périphrase classique vers 58 pour désigner la lune : " l'astre au front d'argent "
    vers 64 : c'est la conclusion du poème : " ils ont aimé " : l"amour vainqueur et éternel. Passé composé : accompli du présent.

    Nous retrouvons dans ce texte de Lamartine les thèmes lyriques classiques : l'amour perdu, la fuite inéxorable de l'amour, la plainte et la prière du poète, le deuil de l'amour intense sur un ton élégiaque.

  • La courbe de tes yeux

    "La courbe de tes yeux..." de Paul ELUARD ( 1895-1952 )

    Capitale de la douleur est paru en 1926 ; c'est son recueil poétique le plus important empreint d'un lyrisme puissant et très personnel ( c'est la pleine période surréaliste ).
    C'est un poème d'amour ( thème lyrique traditionnel ) Sa femme est Gala, elle vient d'accoucher: ce texte aborde le bonheur d'aimer et le partage de cet amour.

    Questions d'observation et d'intérêt du texte :

    1 ) Quelle est la forme du poème ? ( strophes, mesure des vers, rimes ) Conclusion ?
    3 quintils, alexandrins et décasyllabes et octosyllabes.
    rimes d'abord régulières puis aléatoires...
    => les règles classiques ne sont pas vraiment respectées : par la fantaisie de la construction le poète se libère des contraintes classiques mais semble les respecter ( Surréalisme... )

    2 ) La ponctuation ?
    Peu de ponctuation : beaucoup de virgules.
    => Souplesse dans la construction, touche fantaisiste.

    3 ) Combien y a-t-il de phrases ?
    Seulement deux phrases : la première correspond à la première strophe, la deuxième aux deux dernières strpohes. Ce sont donc des phrases longues.
    => Le poète semble s'amuser et recrée à sa manière une forme nouvelle et inégale.

    4 ) Qu'apporte l'observation des pronoms personnels ? des possessifs ?
    " je "; "j'" ; "m'" => dénote une certaine passivité du narrateur, dans des phrases au passé.
    "tes" ( x 3 ) ; "mon" ( x 2 ) => les yeux semblent enlacer le narrateur, l'envelopper.

    5 ) Observons les groupes nominaux.
    => il y a de nombreuses appositions. => une longue énumération d'éléments, un jaillissement d'images.

    6 ) Qui parle à qui ?
    " je " parle à tu ; le poète s'adresse à son inspiratrice...
    => c'est une apostrophe qui oscille entre la prière et l'hymne religieux, la louange !

    7 ) Quels grands thèmes se dégagent ?
    l'amour, le regard, la nature et le monde, le temps...
    => thèmes lyriques traditionnels et modernes.

    8 ) Quels champs lexicaux dominent le texte ?
    forme géométrique circulaire, le temps, la nature et les quatre éléments, le regard, la naissance, la lumière, la pureté,l'appel aux sens...
    =>le poète donne un aspect sacré à la gloire de cet amour ; il fait appel à tous les sens pour appréhender le monde, il semble le découvrir : il semble venir au monde ( importance de la lumière, nature printanière qui se colore...)

    9 ) Quelle analyse pouvons-nous tirer des éléments relevés et des procédés rhétoriques ?
    L'évocation de la douceur et d'une certaine pureté permet une connotation maternelle ( la forme arrondie domine le texte ) : la femme met au monde mais en plus le monde ne passe que par ses yeux qui en deviennent le reflet. Elle devient une véritable source de vie. Le monde s'ouvre et se révèle ; le poète évoque un paradis tranquille et sûr.
    => la dernière phrase ( = deux dernières strophes ! ) est composée d'une succession d'images et de métaphores qui révèlent une envolée lyrique : la voix du poète semble ne plus pouvoir s'arrêter. Nous observons également une certaine gradation dans les éléments du champ lexical de la nature ( le poète mentionne la feuille tout d'abord et termine par les astres ) qui vient annoncer la substance du monde et son jaillissement.

    10 ) A l'analyse du premier et du dernier vers, que pouvons-nous dire ?
    Le dernier vers reprend le premier : on peut remarquer un chiasme entre ces deux vers ( répétition et inversion ) ce qui renforce l'effet de symétrie et l'idée de reflet. Les deux derniers vers dénotent une certaine harmonie mystérieuse et intime.
    Ces deux vers peuvent se lire liés et sans rupture de sens : ils reprennent l'ensemble du poème.

    11 ) Bilan
    Ce poème est un poème d'amour, un chant de louange à la femme aimée : il rappelle fortement le blason du XVIIème siècle ( petit poème qui célébrait la beauté de la femme par la description d'un détail physique et anatomique ). L'homme ne vit que par la femme, le monde dépend d'elle et son regard permet l'ouverture à l'univers.

  • Sonnet, ode, élégie.

    Sonnet : ( de l'italien sonetto : mélodie chantée, chanson ) poème à forme fixe composé de quatorze vers ( isométriques = d'un nombre égal de pieds ) répartis en deux quatrains et deux tercets. Il aborde des thèmes de méditation et de contemplation. Né au XIII ème siècle en Italie, il est remis au goût du jour en France à la Renaissance avec Ronsard, Du Bellay, Marot...


    Ode : ( du grec ôdê : chant, poème lyrique ) Elle traite un sujet noble sur un ton sublime en vers fixe et en strophes variables et parfois complexes. Elle offre une poésie morale par une approche parfois philosophique. Au XIXème et XXème, elle devient un chant de louange proche de l'hymne.


    Elégie : ( du grec êlégeia : plainte, chant de deuil ) Poème formé en distiques ( deux vers accouplés ) Durant l'Antiquité, elle abordait les thèmes amoureux et principalement la plainte adressée à la bien-aimée, dans un genre dramatique ou lyrique. Au XVIème, en France, Ronsard l'utilise pour la modulation de plaintes et de prières. Le XVIIIème et XIXème siècles font du genre élégiaque une confidence plaintive sous un angle spirituel. Elle donnera naissance à la complainte.

  • A retenir

    Genres littéraires
    On caractérise un texte d'après sa forme :
    - Roman
    - Nouvelle
    - Théâtre
    - Poésie
    - Autobiographie
    - Correspondance ( ou épistolaire )

    Types de discours
    Pour déterminer la volonté de l'auteur, on définit le type de texte :
    - Narratif : personnages, actions, temporalité, focalisation
    - Descriptif : description des espaces, personnages ( présent ou imparfait )
    - Explicatif : neutralité de l'émetteur, vérités générales, connecteurs logiques
    - Argumentatif : convaincre et persuader : opinions, arguments, exemples
    - Injonctif : ordres et conseils ( impératif et subjonctif )

    Points de vue
    Qui raconte l'histoire et comment ?
    - Focalisation interne : le récit et les descriptions partent du point de vue du personnage.
    - Focalisation externe : le récit et les descriptions sont extérieurs aux personnages. Le narrateur en sait moins que les personnages.
    - Focalisation zéro : ( point de vue omniscient ) l'auteur sait tout.

    Le discours rapporté
    - Style direct : paroles rapportées entre guillemets.
    - Style indirect : paroles par des subordonnées
    - Style indirect libre : paroles intégrées au récit : les verbes et les pronoms sont ceux du récit : sans guillemet ni subordonnées

    Le genre autobiographique
    L'autobiographe est à la fois narrateur et personnage principal. Le récit passe par le " moi " de l'auteur : on suit son point de vue. On le suit dans sa recherche de l'enfance:il y porte un regard d'adulte ( indulgence, rancoeur, nostalgie ). Ce qui fait que la mémoire peut être sélective et qu'il reconstruit une certaine image de sa personnalité. Il peut chercher à se justifier.
    Au-delà de l'analyse et de l'introspection, l'autobiographie alterne les temps verbaux. ( ex : passé composé et imparfait = événement antérieur ; présent = événement contemporain ; futur = événement postérieur )

    Les mots composés
    Pour former le pluriel, on identifie la nature de chaque élément :
    - nom + nom = accord
    - nom + adjectif = accord
    - nom + particule invariable = accord du nom
    - verbe + nom = accord du nom
    Pour le reste, on fait appel à la logique :
    des garde-fous = le verbe garde ne s'accorde pas
    des gardes-barrière{s} = le nom garde s'accorde
    des arcs-en-ciels, des choux-fleurs, des pique-niques, des portes-fenêtres...
    Pour les mots composés formés avec le verbe porte, on les laisse invariables :
    un porte-clés > des porte-clés
    un porte-monnaie > des porte-monnaie
    ( mais un porte-crayons ou des porte-crayons ... )

    L'accord du participe passé
    - auxiliaire être : accord en genre et en nombre
    - auxiliaire avoir : cod placé avant le participe passé ? on accorde le participe !
    - avec les verbes pronominaux : ( ex : se gratter, se laver... )
    - verbes réfléchis : qui ne se conjuguent qu'à la voie pronominale ( on ne peut pas retirer le pronom personnel se ) le participe s'accorde avec le sujet.
    - verbes pronominaux non-réfléchis : ( le pronom personnel se n'est ni cod ni coi du verbe ! ) le participe s'accorde avec le sujet.
    - les autres verbes pronominaux : ( se + verbe transitif )
    - si le sujet est cod, le participe s'accorde avec le sujet.
    - si le sujet n'est pas cod : le participe ne s'accorde pas avec le sujet.
    - verbes pronominaux qui n'admettent pas de cod: le participe passé est invariable.
    - participe passé suivi d'un infinitif : le participe s'accorde avec le cod.
    - participe passé des verbes pronominaux suivis d'un infinitif : ( on détermine mentalement le cod ).

  • Alcools

    Alcools, APOLLINAIRE

    Contextes :

    La Belle-Epoque (de 1900 à 1914) en Europe, c'est la montée des tensions politiques avec les populismes, les crises balkaniques, les crises coloniales et les alliances entre nations. On assiste à de nombreuses innovations techniques : la première ligne de métropolitain à Paris en 1900, les débuts de l'aviation, la généralisation de l'électricité, le développement des automobiles, le cinéma se répand, expansion de la presse et de la publicité (les réclames) , séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905, tensions sociales et condition ouvrière difficile, Exposition Universelle à Paris en 1900, la même année c'est la parution de L'Interprétation des rêves de S. Freud, Einstein et les Curie...
    En peinture, on est dans la continuité des révolutions technique et culturelle et dans l'affranchissement des règles académiques, grâce à la naissance du Fauvisme, de l'Expressionnisme et du Cubisme (Picasso, Braque, l'art abstrait et non figuratif, le naïf avec le Douanier Rousseau...) puis plus tard Dada et le Surréalisme.

    Alcools (1913) devait d'abord s'intituler Eau-de-vie et rassemble des poèmes écrits entre 1898 et 1912. A la correction des épreuves, il décide d'en supprimer toutes les ponctuations : c'est une grande nouveauté et reste un ouvrage essentiel dans la poésie du XXème siècle. Il affirme à la même époque : " le rythme et la coupe des vers : voilà la véritable ponctuation". L'ordre des textes est varié et crée un effet de surprise : c'est une marque de la poétique d'Apollinaire. Il veut que son oeuvre soit ancrée dans la modernité et suit même l'influence cubiste de ses amis peintres (Picasso, Braque, Léger...) Cependant, par certains aspects, il coéxiste dans Alcools une certaine tradition poétique. ..

    Axes de réfléxion :

    1 - Le titre
    2 - Les origines
    3 - L'ordre des poèmes
    4 - Les cadres structurants
    5 - Héritage et modernité
    6 - Problématique des choix de lectures
    7 - Les visages du poète
    8 - La souffrance et la femme
    9 - Regards sur le monde
    10 - Formes de l'écriture et choix de construction

  • Apollinaire

    Biographie de Guillaume Apollinaire 

     

    Wilhelm Apollinaris de KOSTROWITZKY naît à Rome en 1895, fait de nombreux voyages en Europe avec sa mère et passe son adolescence sur la Côte d'Azur, en 1897 il rate son baccalauréat et se met à l'écriture sous un pseudonyme. 1899, il arrive à Paris et collectionne les petits emplois : il tombe souvent amoureux mais il se voit toujours éconduit. En 1901, il rencontre Annie Playden, une jeune Anglaise dont il tombe amoureux mais cettte dernière le repousse et Apollinaire en sera profondément touché : ce sera l'inspiration de la "Chanson du Mal-Aimé".Puis, il voyage en Allemagne le long du Rhin pendant un an.


    De retour à Paris, il participe à quelques revues littéraires et artistiques : il fréquente Picasso, Braque, le Douanier Rousseau, A. Jarry, M. Jacob et A. Salmon. Pour ses besoins financiers, il écrit des textes érotiques et immoraux. Il encourage les débuts du Cubisme et fait l'éloge de certains peintres avant-gardistes. 1908, il rencontre Marie Laurencin, peintre, et vit avec elle jusqu'en 1912 : il devient le défenseur de l'Art Nouveau. Il continue de produire des textes dans différentes revues : il est toujours inspiré par l'amour et l'émergence constante de la modernité. 1913, parution d'Alcools dont il a supprimé toutes les ponctuations, qui devient le symbole de son oeuvre. Il s'intéresse au Futurisme, à l'art contemporain mais il reste malheureux de sa séparation avec M. Laurencin.


    En 1914, la guerre éclate et le poète décide de s'engager mais rejeté, il part à Nice où il rencontre Louise de Coligny-Châtillon, qui deviendra " Lou" et l'inspiratrice de nombreux poèmes et lettres d'amour. Il part sur le front dans l'artillerie et vit l'horreur de la guerre mais garde l'espoir de l'amour et la force de la vie. Dans l'infanterie, il sera blessé et réformé et retourne à Paris. Il continue d'écrire et de publier (Le Poète assassiné, Calligrammes). Il continue après sa convalescence de soutenir " l'esprit nouveau " et d'éxalter les esthétiques avant-gardistes. En 1918, il meurt de la grippe espagnole. Il reste l'inspirateur des Surréalistes, le poète qui a inventé un nouveau langage poétique à la fois moderne et original...

  • Lyrique

    La poésie lyrique dans laquelle le poète exprime ses sentiments personnels.

    Le poète dit “Je” mais ce qu’il ressent concerne tout homme ; le lexique des sentiments domine, on trouve beaucoup d’interjections.

    Le poète utilise des ruptures de syntaxe, des effets de musicalité et aussi de discordance pour rendre son poème plus expressif.

    Pour donner plus de force à l’expression de ses sentiments, le poète utilise aussi toutes les ressources du vocabulaire (champs lexicaux, connotations...) et des figures de style.

    Les grands thèmes lyriques témoignent de la sensibilité humaine : la vie, la mort, le patriotisme, l’espoir de la liberté, l’enfance, la nature, le temps qui passe, le rêve, les souffrances et les joies de la passion, la ferveur religieuse.

    La poésie lyrique exprime la vie intérieure de l'auteur et cherche à émouvoir le lecteur en faisant appel à sa sensibilité. L'utilisation de la première personne crée un rapprochement et un sentiment qui va du caractère particulier à l'universel car elle favorise l'identification du lecteur.

    Les thèmes de l'amour, de la mort, du temps sont à la fois intimes et urniversels.

    L'auteur développe les relations de son intériorité avec la réalité concrète du monde et de la vie : d'une manière subjective, il fait part de ses interrogations, espoirs et désespoirs, souffrances et passions. Le rythme et la musicalité du poème favorisera l'émotion.

  • Versification et poésie

    Qu’est-ce qu’un vers?
    Début du vers: il est marqué par une majuscule.
    Fin du vers : elle est marquée par un retour à la ligne ; le vers (contrairement à la phrase en prose) n’occupe pas forcément toute la ligne, et on peut donc trouver un espace blanc à la fin du vers.

    Remarque: si le vers dépasse la ligne, alors la fin du vers ne s’aligne pas sur la marge de gauche dans la poésie classique (jusqu’au XIXème siècle), comme en prose, mais sur la marge de droite, après un crochet [

    Présentation du poème
    Les groupes de vers qui composent un poème s’appellent des strophes.
    Il n’y a pas d’alinéa (contrairement à la marque de début de paragraphe en prose).

    - On donne des noms aux strophes selon le nombre de vers qui les composent: tercet, quatrain, quintil, sizain...
    Un vers isolé est mis en relief.

    - Les vers sont composés de pieds. Une syllabe = un pied.
    On nomme les vers selon le nombre de pieds qui les composent : alexandrins, octosyllabes, décasyllabes...
    Pour compter correctement le nombre de syllabes, il faut observer certaines règles :
    - le -e muet en fin de vers ne compte pas (il n’est d’ailleurs pas prononcé).
    - le -e muet suivi d’un son vocalique (voyelle) ne compte pas.
    - le -e muet suivi d’un son consonantique compte.
    Décompte des -e: Par la Natur(e),-heureux comm(e) avec une femm(e) (Sensation de Rimbaud)
    - le poète peut faire prononcer en deux sons ce qu’habituellement on ne prononce qu’en un seul : c’est une diérèse.
    Exemple: “Un bohémi-en”

    Jusqu’au XIXème siècle, la poésie était en vers. Au XIXème siècle, les poètes se sont libérés des contraintes portant sur la forme du poème : c’est l’invention du vers libre. La poésie peut alors prendre l’apparence de la prose.

    Les rimes
    La rime, c’est la répétition de sons identiques à la fin de plusieurs vers. On désigne par des lettres chaque rime différente: a, b, c...
    disposition des rimes
    aabb : rimes plates ou suivies abab : rimes croisées abba : rimes embrassées

    valeur des rimes
    On juge la valeur des rimes au nombre de sons qui sont repris : chaque son est codifié par un signe de l’Alphabet Phonétique International.
    pensées / croisées: [e] 1 son commun -> rime pauvre (forcément un son vocalique)
    âme / femme: [am] 2 sons communs -> rime suffisante
    capitaine / lointaine: [t?n] 3 sons communs -> rime riche

    genre des rimes
    campagne / montagne : rime féminine (se terminant visuellement par un -e muet, donc non prononcé)
    attends / longtemps: rime masculine (se terminant visuellement par toute autre lettre qu’un -e muet)

    Les autres effets de sonorité

    - les reprises de mots ou de groupes de mots créent un effet de sonorité et de rythme. (une reprise en début de vers ou de strophe se nomme une anaphore)
    - les reprises de sons à l’intérieur des vers, dans des mots différents mais proches:
    - son vocalique (voyelle) : une assonance
    Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant (Verlaine)
    - son consonantique: une allitération
    Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes? (Racine)

    Le rythme
    il faut marquer les pauses au bon endroit et pour cela, repérer les mots qui forment un groupe cohérent.
    le poète peut choisir d’écrire des groupes de mots qui débordent du vers:
    - un vers déborde sur le vers suivant : c’est un enjambement.
    Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
    Sourirait un enfant malade, il fait un somme.
    (Rimbaud)
    - si le groupe de mots placé au vers suivant est très court, on parle de rejet.
    Il dort dans le soleil la main sur sa poitrine,
    Tranquille.
    (Rimbaud)