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Le lac, Lamartine.

Le Lac, Alphonse de Lamartine, ( 1790 - 1869 ), Méditations Poétiques ( 1820 )

Lecture analytique

Les Méditations Poétiques ( 1820 ) développe des thématiques de la solitude et de la mélancolie : phénomène nouveau dans la littérature française du XIXème siècle. Cet ouvrage est tout de suite perçu comme un véritable manifeste romantique, une nouveauté qui plaît car l'expression de sentiments personnels et intimes est encore inédite. Le thème de la nature, associé à une sensibilité profonde exprimés sur une tonalité élégiaque qui parcourent l'oeuvre, et Le Lac en est une illustration évidente.

Ce texte révèle un poème d'amour, une certaine détresse devant la fuite inexorable du temps ainsi qu'un certain sentiment de la nature. " Je suis le premier qui ai fait descendre la poésie du Parnasse et qui ai donné à ce qu'on nommait la Muse, au lieu d'une lyre à sept cordes de convention, les fibres mêmes du coeur de l'homme, touchées et émues par les innombrables frissons de l'âme et de la nature " ( Préface, Méditations Poétiques ).

Composition du texte : 16 strophes de 4 vers distribués en : 3 alexandrins et un vers de six pieds.
rimes croisées (abab)

Poème inspiré par Madame Charles qui était sa maîtresse rencontrée au bord du lac du Bourget.

Nous pouvons nous poser plusieurs questions à la première lecture de ce texte et dégager les principaux thèmes et différents mouvements de ce poème :

Enonciation : " ô lac " ; " ô temps " ; " ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure " ; " eternité, néant, passé, sombres abîmes, " : le poète s'adresse d'abord au lac, il apostrophe également le " temps " et prend à témoin la nature toute entière (nature austère et immuable) qui devient la confidente de l'homme et recueille sa plainte, il exprime son angoisse devant le Temps inéluctable et destructeur.

Tonalité tragique et élégiaque : expression tourmentée de sentiments mélancoliques dans un registre lyrique : le lecteur est invité à partager l'inquiétude du poète (exclamations et interrogations insistantes ; le vocabulaire choisi est expressif et les figures sont frappantes, la musicalité est très rythmée).

Ce poème peut être défini comme appartenant au domaine de l'élégie par plusieurs points : l'amour brisé est ravivé par son souvenir ; on y trouve les élans de l'âme et du coeur sur le mode de la prière et de la plainte. Les sentiments sont d'abord l'inquiétude, célébration de l'amour puis l'angoisse et la plainte.

Le champ lexical du temps renforce ce sentiment d'obsession du temps.

vers 1 : " Ainsi " : le poème commence par une impression de conclusion de rêverie ou de réflexion profonde.
vers 3-4 : " océan des âges " : métaphore du temps qui évoque son vaste infini ; l'homme est livré à ses flots malgré lui et ne peut jamais l'arrêter.
vers 5 : " ô lac ! " : personnification du lac : il devient le confident du poète sur le ton de la plainte et lui fait part de sa solitude.
vers 9 : " tu mugissais ainsi sous ses roches profondes " : en plus d'être austère et abrupte, la nature est immuable malgré le temps qui avance et emporte tout, au contraire de l'homme qui constate les changements du coeur et les douleurs qui l'accompagnent. Allitération en {ss} qui semble prolonger la plainte.
vers 12 : " ses pieds adorés " : rupture dans la strophe : le poète nous fait passer de la rigueur de la nature à la douce évocation d'un être aimé et disparu : le vers à six pieds souligne le constrate par sa position finale dans la strophe, il insiste sur la délicatesse de l'être perdu.
vers 15 : " Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence " : rythme du vers ponctué de la consonne {k} évocateur du clapotis des rames dans l'eau, de manière symétrique ( position 1, 7 et 10 ) ce qui a pour effet de renforcer l'impression d'intimité, et d'une certaine perfection dans le bonheur de l'instant vécu ( "silence", "cadence", "harmonie").
vers 17 : "tout à coup" : le poète nous entraîne dans un nouveau mouvement, le bonheur est interrompu par une supplication développée dans la strophe suivante, l'ambiance paisible se détériore.
vers 20 : " laissa tomber ces mots " : l'être perdu souffre et délivre avec difficulté des mots poignants.
strophe 6-7-8-9 : rien n'arrête le temps et l'homme ne peut pas lutter contre son destin : il doit plier devant la fuite implacable du temps. Les rythmes et le vocabulaire renforcent ce sentiment tragique d'impuissance et de douleur ; l'homme passe, la vie s'écoule, le temps et la mort emportent tout et les êtres aimés disparaissent.
Le temps passe et nous offre différents points de vue sur la condition humaine : le futur de la strophe 1 exprime une interrogation intime et à la fois universelle, sur un ton lyrique ; le présent c'est l'observation générale et la constation face à l'impuissance d'un temps qui ravit tout, aussi bien bonheur qu'être aimé ; l'imparfait c'est l'expérience vécue et le regret du bonheur perdu, Le souvenir évoqué fait revivre ce bonheur et la confession au lac permet au poète de cristalliser ces moments fugitifs, les rendre enfin éternels.
vers 40 : " eh quoi " : les tournures des phrases interro-négatives insistent sur la douleur du poète et son impuissance. Nouveau mouvement dans la progression du poème : la souffrance devient violente.

Le sentiment de la nature également incarne et recueille les états d'âme du poète livré sur le mode de la plainte mélancolique. La nature devient porteuse de charge affective et un espace spirituel dans lequel le souvenir se réactive car elle est considérée comme une amie. Les paysages immobiles et impérissables, cadres témoins de l'émotion du poète, font revivre les instants fugitifs et les conservent à jamais.

Une véritable méditation interrogative et philosophique transporte le discours d'Elvire et prolonge sa plainte:
vers 34 : " Hâtons-nous, jouissons !" : conclusion totalement épicurienne (carpe diem) : l'homme ne peut pas fixer le temps, l'éternité lui est refusée, et il faut saisir le plaisir fugitif.
vers 38 : " où l'amour à longs flots nous verse le bonheur " : perfection dans l'accord du fond et de la forme, une certaine force et une magie se dégagent du tour utilisé.
strophe 11 : accents de la douleur du poète avec l'emploi interro-négatif et aussi la répétition (anaphorique) de "quoi" : le rythme s'accélère et devient haletant. L'angoisse de l'homme est profonde et se traduit par des enchaînements et le mouvement rapide de la strophe.
vers 45 : " sombres abîmes " : apposition des éléments du temps : encore une fois le poète exprime une certaine peur effrayée face au temps tout-puissant et qui ne rend jamais rien ( image renforcée au vers 48 : " que vous nous ravissez" )strophe 13-14 : structure de répétition anaphorique dans la continuité angoissante des émotions et interrogations du poète (contraste et sentiment poignant de la nature)
Remarquons la périphrase classique vers 58 pour désigner la lune : " l'astre au front d'argent "
vers 64 : c'est la conclusion du poème : " ils ont aimé " : l"amour vainqueur et éternel. Passé composé : accompli du présent.

Nous retrouvons dans ce texte de Lamartine les thèmes lyriques classiques : l'amour perdu, la fuite inéxorable de l'amour, la plainte et la prière du poète, le deuil de l'amour intense sur un ton élégiaque.

Commentaires

  • bonne explication

  • Merci du commentaire très detaillé

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